Lancé en 2018 dans le prolongement d’une étude diligentée par les instances européennes, pavées de bonnes intentions, ce Code européen de bonnes pratiques contre la désinformation en ligne, vise à « associer » plutôt qu’à contraindre les géants du web tels que Meta, Google, Youtube, Twitter, Microsoft, TikTok ainsi que les réseaux sociaux. Aussi, de plus petites plates-formes ainsi que des professionnels de la publicité, des fact-checkeurs et des organisations non gouvernementales (ONG) avaient rejoint le mouvement. Les signataires ont eux-mêmes participé à la rédaction du texte faisant, si ce n’est consensus, au moins un argument de communication. Ce Code, dont l’adhésion des « Big five et autres opérateurs en ligne » n’est que « sur la base du volontariat », contient une quarantaine d’engagements visant notamment à favoriser coopération avec les fact-checkeurs privés ou publics, ainsi qu’à la mise en place, en interne, de procédures d’autosurveillance des réseaux. La seule menace planant sur le manquement à ses engagements se résumant à la suspension de recettes publicitaires pour les sites diffusant de fausses informations, volontairement ou non.
Le commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton a annoncé vendredi 26 mai dernier, que la plateforme Twitter se retirait du « Code de bonnes pratiques » de l’Union européenne en matière de désinformation en ligne, sans en préciser ni les motifs, ni même si ce retrait avait fait l’objet d’une quelconque discussion préalable. Depuis Bruxelles, ce dernier a toutefois ajouté que les obligations de Twitter demeuraient, en référence aux nouvelles règles numériques strictes de l’UE qui entreront en vigueur au mois d’août prochain. Non sans cacher un certain agacement entre les lignes, d’ajouter : « Vous pouvez courir, mais vous ne pouvez pas vous cacher », a twitté le fonctionnaire européen en annonçant la décision du réseau social sur son propre compte.
Des rapports épistolaires
entre les deux continents
Depuis qu’il a acheté Twitter
il y a six mois, le milliardaire Elon Musk a assoupli, non sans inquiétude des
observateurs européens, la modération des contenus problématiques et semble
avoir amplifié la voix de propagateurs notoires de désinformation sur sa
plate-forme. A son corps défendant, Twitter a expliqué préférer faire appel à « sa
propre communauté d’internautes » plutôt qu’à des fact-checkeurs
indépendants, a fait savoir une source européenne. Jusque-là, le réseau social
ne fournissait que peu d’efforts pour respecter ce code de bonne conduite, ces
rapports sur la désinformation étant très lacunaires.
« Si Elon Musk n’est pas
sérieux sur le code, c’est peut-être mieux qu’il le quitte », a commenté
dans la même semaine un responsable à la Commission européenne, alors que la
rumeur se répandait déjà. L’adhésion au code reste volontaire, en revanche « on
ne peut pas se soustraire au DSA », la nouvelle loi sur les services numériques
entrée en vigueur à la mi-novembre dans l’UE, a-t-il ajouté.
Le DSA (Digital Services Act)
contraint les plates-formes à déployer des efforts afin de « réduire les
risques » de désinformation et prévoit des amendes pouvant aller jusqu’à 6 % de
leur chiffre d’affaires mondial si elles violent les règles sur les contenus
illégaux. Elles pourraient même être interdites d’opérer au sein de l’Union
européenne si leurs infractions venaient à se répéter.
« Nos équipes seront prêtes à faire appliquer la loi », a affirmé Thierry Breton, dans son tweet.
Dès la fin avril, la
vice-présidente de la Commission européenne chargée de la transparence Vera
Jourova, avait déclaré se sentir « de plus en plus mal à l’aise sur Twitter »
en raison de la propagande russe sur cette plate-forme. Elle s’était aussi
inquiétée de voir Twitter manquer de personnel dévolu à la lutte contre la
désinformation, après les licenciements massifs opérés par Elon Musk.
Olivier DELAGARDE
Maître de conférences en
Géopolitique & Sciences de l'information
Enseignant-chercheur en
Histoire contemporaine & des médias
Commentaires
Enregistrer un commentaire