Fourniture de carburant algérien à Gaza : Le Caire hésite, Alger s’impatiente

 


Selon des sources diplomatiques, l’Égypte n’a pas répondu à la demande algérienne de fournir gratuitement du carburant à la bande de Gaza.

Des tensions peuvent-elles voir le jour entre Alger et Le Caire ? C’est ce que laissent entendre plusieurs sources qui se sont exprimées dans différents médias panarabes ces derniers jours.

D’après ces mêmes sources, l’épisode aurait débuté il y a quelques semaines alors que le président algérien Abdelmadjid Tebboune aurait sollicité son homologue égyptien Abdel Fattah al-Sissi afin de permettre à l’Algérie de fournir du carburant dans la bande de Gaza via des installations frontalières égyptiennes. Selon Alger, cette dernière devait se charger de toutes les dépenses liées à cette opération.

C’est d’un diplomate de la Ligue arabe qui s’est confié au quotidien Al-Araby, qu’est venu un premier élément de réponse précisant que « le président al-Sissi n’avait pas donné de réponse claire à la partie algérienne, réservant sa réponse après des discussions avec les autorités égyptiennes chargées de ce dossier ». Depuis, plusieurs sources diplomatiques vont même jusqu’à parler de « l’agacement d’Alger » face à l’atermoiement égyptien.

Les pages d’Al-Araby citent notamment l’expert et chercheur égyptien Chadi Ibrahim, qui explique que « ce n’est pas seulement l’intervention d’Alger dans le dossier palestinien qui agace Le Caire, mais plutôt toute intervention d’un autre pays que l’Égypte dans ce dossier, car il s’agit d’une question vitale pour la diplomatie égyptienne. Le Caire a déjà refusé l’intervention des Saoudiens sur le dossier palestinien », rappelle l’expert, tout en précisant que le rôle que veut jouer en solo l’Egypte sur cette question lui permet de recevoir des dividendes de la part des États-Unis ou de l’Union européenne. « Pour agir sur le dossier palestinien, Le Caire ne permet que de passer par son seul canal », tranche l’expert.

Chadi Ibrahim nuance toutefois son propos en considérant que « l’Égypte pourrait accepter le projet algérien [d’aide en carburant pour Gaza] s’il y a des gains matériels ou politiques pour Le Caire ». Diplomatie économique oblige. Poursuivant qu’Alger « accueillera prochainement Ismaël Haniyeh, président du bureau politique du Hamas, et une délégation du Fatah » dans la continuité du processus de réconciliation entre les deux mouvements. Là aussi, il s’agit d’un dossier dont Le Caire souhaite garder l’exclusivité, selon l’expert.

Appel téléphonique Tebboune-Sissi

« La diplomatie égyptienne n’est pas rassurée par l’approche algérienne de ce dossier qui dépasse des étapes stabilisées historiquement et qui restent très liées au rôle de l’Égypte », explique un diplomate égyptien chargé des dossiers arabes. Une autre source officielle égyptienne assure au même média que « les responsables des services secrets égyptiens ont commencé à élaborer une vision inclusive applicable sur le terrain pour unir l’intérieur palestinien [Hamas et Fatah] », avec l’appui de la présidence égyptienne. Une réunion à laquelle participerait le président palestinien Mahmoud Abbas, est d’ailleurs prévue au Caire dans ce sens.

Concernant la demande algérienne relative au carburant pour Gaza, l’ancien vice-ministre égyptien des Affaires étrangères Abdalah al-Achaal, déclare à Al-Araby que « l’Égypte n’acceptera jamais que l’Algérie fasse passer du carburant en Palestine car Le Caire ne sacrifiera jamais Israël ni pour Gaza ni pour l’Algérie. Le rôle égyptien est de tenter de trouver des médiations entre Palestiniens et Israéliens, alors que la position algérienne est strictement un appui pour les Palestiniens contre Israël », estime-t-il.

C’est probablement pour atténuer les tensions que les deux chefs d’états, se sont entretenus par téléphone la semaine passée afin, officiellement, de fixer la date d’une prochaine rencontre.

Le 6 juillet dernier, Alger a annoncé octroyer 30 millions de dollars d’aide à la reconstruction de Jénine à la suite des récentes attaques menées par l’armée israélienne. Une décision saluée par l’Autorité palestinienne.

 

Olivier DELAGARDE
Maître de conférences en Géopolitique & Sciences de l'information
Enseignant-chercheur en Histoire contemporaine & des médias

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